Réponse
à la lettre ouverte de Jocelin Morisson (31/03/2017), suite à mon article "Quelques remarques sur l'expérience de l'ISSNOE avec Nicolas Fraisse" (à lire ici)
Cher
Jocelin,
Merci
pour ta réponse argumentée à ma critique. Je vais y répondre point par point,
et désolé pour la longueur.
1)
Répartition points positifs / négatifs
Dans
une interrogation de mes supposées motivations, tu pointes un déséquilibre
entre les quatre points positifs que je donne et les nombreux points négatifs
que je liste. Les uns et les autres s’adressent au même public. Seulement, les
points positifs étaient déjà facilement accessibles alors que les points
négatifs étaient originaux, leur développement étant donc l’objet de mon texte.
Je ne retire aucun des points positifs précédemment mentionnés (résultats
quantitatifs, résultats qualitatifs, éco-validité, côté héroïque de la recherche).
Je reconnais que les résultats qualitatifs seraient particulièrement
intéressants à développer du fait de cette production spontanée de petits
textes qui croquent une idée (cible) avec brio. Néanmoins, cela impliquerait
une analyse littéraire qui n’a de véritable intérêt que si l’on peut d’abord garantir
que l’inspiration ne pouvait guère s’appuyer sur des canaux conventionnels
(même sans s’en rendre compte). C’est le problème que l’on soulève
régulièrement concernant les tables parlantes de Jersey et les productions
subliminales de Forthuny (cf. chapitres 2 et 8 de mon livre, respectivement ;
et point (9) de cette réponse).
2)
Nourriture pour sceptiques
Tu
me reproches (comme d’autres en parallèle) d’avoir fourni aux
« sceptiques » de quoi conforter leur rejet a priori de cette expérience (qui ne m’a pas attendu). Il y a et
aura toujours de nombreuses personnes qui préféreront la paresse
intellectuelle, de même que la majorité des électeurs ne lisent même pas le
programme du candidat pour lequel ils votent. Toutefois, mon texte est d’abord
de la nourriture pour les « moutons » plus que pour les
« chèvres » (et encore moins pour les choux) : ceux qui sont
prêts à admettre la possibilité de véritables phénomènes paranormaux ont tout à
gagner en apprenant à démêler le vrai du faux, c’est-à-dire en doutant même et
surtout des « preuves » qui semblent confirmer leurs attentes
croyantes. On peut entendre mes remarques avant tout comme un garde-fou pour
les pro-parapsychologie, un rééquilibrage après l’enthousiasme dénué de sens
critique qui a sévi pendant plusieurs mois (voire années) au sujet de cette
expérience. Et il y a également un certain nombre de « sceptiques »
qui pourront apprendre de ma manière de critiquer. En effet, ma méthode se veut
simple et juste : a) se renseigner exhaustivement sur ce dont on parle ;
b) critiquer les faits et pas les personnes ; c) s’ouvrir à la
contradiction en dehors des clivages idéologiques ; d) respecter la
démarche scientifique qui analyse un phénomène dans une série d’expériences
(par exemple, en envisageant des reproductions corrigeant les défauts initiaux) plutôt qu’en pointant une
faille méthodologique potentielle pour généraliser le rejet à l’ensemble du
champ.
Qu’est-ce
qui dessert le plus la communauté parapsychologique ? Est-ce des critiques
internes, entre pairs, faites dans un respect mutuel ? Ou est-ce lorsque
des « sceptiques » nous démontrent qu’ils comprennent mieux la
méthode scientifique que nous ? S’il faut attendre à chaque fois qu’un
regard extérieur nous fasse nous rendre compte de nos défauts, cela revient à
donner du poids à ce regard, à donner de l’importance à son rôle. Ne pas
soutenir une approche auto-critique a pour effet de nourrir ceux qui se
revendiquent du scepticisme. Le scepticisme ne doit pas être la charge de
quelques uns, à qui on va prêter toutes les tares, à qui on confie le mauvais
rôle, pour mieux les détester ensuite. Cela ne veut pas dire qu’il faille
adhérer à tout ce que j’ai dit, bien au contraire, mais de nombreuses formules employées
m’apparaissent comme des jugements à mon encontre alors que la critique entre
pairs est uniquement le b.-a.BA de la communauté parapsychologique que je
côtoie au quotidien.
3)
Bulletin en anglais
Merci
pour cette information, je la corrige dans le texte. L’existence d’une version
anglaise du texte m’était inconnue puisque, comme je l’ai dit, la diffusion du
bulletin est extrêmement limitée.
Il
pourrait être intéressant, à ce titre, de relire les travaux quelque peu datés
de Merton sur l’éthos de la science.
Les quatre normes qu’il met en avant sont l’universalisme
(ici : le fait de ne pas se focaliser sur les personnes qui énoncent une
proposition scientifique), le communalisme
(la libre circulation des propositions émises, qui fait défaut ici), le désintéressement (que l’on peut
légitimement interroger) et le scepticisme
organisé (qui est tout bonnement ce à quoi j’invite les lecteurs). J’y
reviendrai.
4)
La focalisation sur l’expérience de
clairvoyance
Tu
as raison de souligner que cette expérience de clairvoyance n’est pas au cœur
de toutes les communications médiatiques autour de ces dix années de recherche.
Il s’agit d’ailleurs d’une expérience additionnelle souhaitée par Marcel Odier
et qui se distingue des performances spontanées et provoquées autrement
étudiées, et qui tournent autour de la confirmation scientifique des
perceptions véridiques associées aux expériences de hors corps. Il y a un
risque de confondre cette expérience de clairvoyance et l’ensemble de la
recherche communiquée par exemple dans le livre.
Mais
à quoi sert cet argument ? A sauver le reste de ces recherches face à
l’impact de mes critiques ? N’a-t-on pas le droit d’isoler cette
expérience en l’évaluant indépendamment du reste ?
Là
où je ne te suis pas, c’est que dans le livre et dans certaines prestations
médiatiques, cette expérience constitue la saillie scientifique censée
confirmer le bien-fondé de l’ensemble de cette recherche. Je pense que tu me
vois venir : ton propre article dans Inexploré
(n°32, automne 2016, pp. 48-53) que tu as eu l’amabilité de m’envoyer se
fait l’écho de cette expérience. Après plusieurs pages sur les idées et
inspirations intellectuelles et spirituelles de Sylvie Dethiollaz, les
résultats de (dixit) « ce protocole classique de clairvoyance » sont
donnés, peu avant une conclusion extrêmement générale où elle affirme :
« Toutes ces années de recherche m’ont amenée à comprendre que la
spiritualité est avant tout un état d’être et une façon d’entrer en relation
avec le monde. (…) C’est le message que je voudrais transmettre
dorénavant. » (p. 53) Il n’y a donc, selon mon observation, aucune
véritable distinction entre cette expérience, le reste des recherches et son
interprétation personnelle. On pourrait donc penser que cette expérience, avec
ses chiffres frappants, vient cautionner son discours.
Or,
c’est exactement ce qui transparaît du livre. Cette expérience de clairvoyance
est présentée au cœur du livre comme « la plus ahurissante que nous
allions traverser ensemble » (p. 142). Ce protocole fut utilisé avec
plusieurs candidats qui obtenaient environ 30 % de réponses justes au lieu
de 25 % attendu par le hasard. Un tel écart, suffisamment reproduit,
suffit aux parapsychologues pour publier leurs travaux dans les meilleures
revues de psychologie (voir par exemple, Storm, Tressoldi, Di Risio, 2010, dans
le Psychological Bulletin).
Cependant, on voit que l’ambition est ici toute autre, il s’agit de frapper un
grand coup : « Mais il était clair que nous n’allions pas
révolutionner le monde scientifique avec ce genre de résultats, et nous
espérions trouver un candidat capable d’obtenir beaucoup mieux. » (p. 146)
L’envie de marquer les esprits est présente… et atteint son but. Mais est-ce
que cela n’induit pas un climat défavorable à une analyse à tête reposée du
protocole ? Celui qui se permet de pointer tel ou tel défaut
méthodologique ne devient-il pas un contre-révolutionnaire incapable de suivre
le mouvement, l’éveil des consciences ?
Et
si on prenait un peu de hauteur en regardant combien de fois la parapsychologie
a obtenu des résultats somptueux avec des sujets doués, en employant des
protocoles autrement plus sophistiqués, sans que cela ne produise un mouvement
de bascule ? Et pourquoi ne replace-t-on pas cette expérience dans le
contexte de la recherche parapsychologique ? Si on le faisait, on verrait
qu’elle est méthodologiquement très en-deçà des standards utilisés actuellement.
La présenter comme « un protocole classique » pour tester la
clairvoyance est en soi au mieux un anachronisme, au pire une aberration.
Toujours
est-il que l’ISSNOE a décidé de publier cette expérience à part du reste, et
d’en faire un argument employé ponctuellement, en fonction du public, pour
fournir une caution scientifique à l’ensemble du projet de recherche et de ses
interprétations. Les chiffres (79 % de réussite, rendez-vous compte !)
provoquent alors enthousiasme et paresse intellectuelle. J’invite tout le monde
à prendre en considération l’ensemble du projet, mais je maintiens qu’il est
légitime de considérer cet élément indépendamment du reste.
5)
Livres commerciaux
Tout
livre a un objectif commercial (qui peut n’être pas partagé par
l’auteur !), mais je pointais spécifiquement ici la reconnaissance
explicite par ses auteurs que l’achat du livre permettait de soutenir la
poursuite de cette recherche (de la même façon que les autres appels à la
générosité publique). Il s’agit donc d’un objectif d’entreprenariat
scientifique, de la même façon qu’un chercheur pourrait vendre une technologie
qui n’a pas fait la preuve de son efficacité en laboratoire, à seule fin que
les acheteurs en soient les cobayes volontaires. Il y a un croisement des
intérêts qui interroge le « désintéressement » que Morton a élevé
comme norme de l’éthos scientifique (voir plus haut).
6)
Montage de l’émission d’Ardisson
En
effet, je ne sais pas ce que le montage de l’émission d’Ardisson a coupé des
rectificatifs. Je suis prêt à modifier ce point si des éléments sont amenés en
ce sens. Mais il existe plusieurs manières de rectifier le tir, et je n’ai vu
aucun message officiel de la part de l’ISSNOE (sur leur site et réseaux
sociaux) qui reconnaît ce problème.
7)
Opacité et transparence des enveloppes-cibles
Tu
écris :
« Sur les problèmes méthodologiques, l’histoire des
enveloppes jaunes, dites "opaques", qui t’amène à présumer qu’elles
sont des enveloppes kraft ordinaires frise la malhonnêteté. Tu l’illustres par
une image où tu tiens une telle enveloppe devant une fenêtre pour en deviner le
contenu à contre-jour, comme si Nicolas avait eu le loisir d’effectuer ce genre
de manipulation devant les expérimentateurs, alors qu’il est bien dit qu’il ne
touchait pas les enveloppes. L’argument consistant à dire qu’il les touchait au
moment de les signer est archi-spécieux puisqu’à ce moment là il avait déjà
donné sa réponse. »
J’attends
un démenti. Je ne crois pas malhonnête de demander à connaître un détail sur le
matériel utilisé qui n’est pas explicité dans le rapport. Tu le sais aussi bien
que moi, l’histoire de la parapsychologie est pleine de matériel
« opaque » qui ne l’était pas tant que cela ; il est évident que
cela attire directement l’attention. Le manque d’opacité peut créer un véritable
biais. Il faut ensuite en mesurer la portée. Je trouve que j’ai été plutôt
sobre puisque je me suis contenté de pointer qu’une enveloppe pouvait perdre de
son opacité selon la luminosité et la position de son contenu. Mais il y a
d’autres possibilités comme l’utilisation de liquides qui réduisent
temporairement l’opacité. Le plus simple est la salive ou sueur, toujours à
disposition, mais qui peut laisser une tache. Le plus adapté est l’acétone qui
sèche rapidement (mais émet une odeur forte) (merci Olivier Talouarn pour la
suggestion !) ou le X-Ray Spray vendu 15 € sur Amazon dont on peut voir
une démonstration ici : le papier devient transparent l’espace d’une minute maximum, puis le produit sèche et ne laisse aucune trace (j’ignore ce qu’il en est de l’odeur, mais celle-ci
pourrait se dissiper avant que l’huissier ne puisse vérifier l’intégrité des
enveloppes).
Le
raisonnement est celui-ci : une enveloppe peut devenir transparente dans
certaines conditions. Qu’est-il prévu dans le protocole pour l’empêcher ?
L’expérience se fait en plein jour et/ou dans une salle éclairée, donc la
luminosité peut être utilisée. Le sujet peut toucher l’enveloppe et donc presser
l’image contre l’enveloppe afin de la voir. Il peut utiliser des liquides
naturels ou artificiels (puisqu’il n’est jamais fouillé) pour améliorer la
transparence. A ce raisonnement s’oppose ensuite le fait, décrit dans le
protocole, que les contacts du sujet avec l’enveloppe sont surveillés par les
opérateurs. J’ai donc questionné la qualité de cette surveillance continue
pendant 20 fois 15 minutes par jour d’expérience. Elle dépend également de la
position des observateurs et des distractions (induites ou non par le sujet).
On peut également essayer d’évaluer les aptitudes d’observation des opérateurs
(problèmes de vue, liés ou non à l’âge ; connaissances de la
prestidigitation, etc.). Le sujet a le droit de toucher l’enveloppe pour y
inscrire sa réponse. Tu supposes que cela n’est possible qu’après qu’il ait
énoncé son choix (ce qui correspond à la narration de l’expérience) mais il
faudrait vérifier que cela est systématique et que le sujet ne peut pas changer
d’avis à partir du moment où il touche l’enveloppe. Or, on ne nous décrit
qu’une partie des essais (et même pas l’ensemble des réussites). Une précaution
aurait pu être d’obliger le sujet à sélectionner sa réponse, enregistrée
indépendamment par un opérateur, avant de lui remettre l’enveloppe. Mieux
encore : qu’il n’inscrive pas sa réponse sur l’enveloppe-cible, ce qui
est, somme toute, d’une logique élémentaire.
8)
Sélection des cibles
La
sélection des cibles est une tâche plus complexe qu’on ne le pense. Les
parapsychologues ont développé des méthodes standards en ce sens qui ne sont
pas celles employées ici. Un ordinateur s’appuyant sur une base de données
d’images standardisées apporte certains avantages, mais ne fait pas tout. Dans
mon texte, je pointe plusieurs problèmes : le plus simple est la
randomisation des cibles dont le procédé n’est pas explicité. Le plus complexe
est que trois des personnes qui participent à l’expérience (au moins) ont
manipulé les cibles. Sylvie Dethiollaz les a sélectionnées et composées en lot.
Marcel Odier les a mises dans des enveloppes. Maître Breitenmoser a sélectionné
l’image cible et a scellé l’enveloppe la contenant. En condition de double
aveugle, l’expérimentateur ne doit avoir aucun moyen de connaître la cible. Or,
dans cette expérience, ce n’est absolument pas le cas : 1) Dethiollaz est
également opérateur alors qu’elle sait quelles images sont contenues dans
chaque lot ; 2) L’huissier est présent lors d’une journée alors qu’il
connaît la cible ; 3) L’indépendance entre Marcel Odier et son épouse
Monique n’est pas garantie : c’est une remarque triviale, on pourrait me
reprocher de n’avoir pas vérifier qu’ils faisaient chambre à part et n’avaient
aucune raison d’être complices… Comme tu le sais, le double aveugle est une
procédure standard en science : elle a été employée dès le 18e
siècle afin de tester des prétentions parapsychologiques (Kaptchuck, 1998). Si
les auteurs peuvent justifier qu’une condition de simple aveugle est
suffisante, je suis ouvert à la discussion. En attendant, je pense avoir montré
que les conditions d’un double aveugle ne sont pas réunies.
Tu
interprètes cette rigueur comme de l’aveuglement : je te l’accorde.
Admettre ces biais obligent à une certaine gymnastique mentale : il faut
s’empêcher de voir ce que notre cœur favorise. Comme je le disais, mon
impression personnelle est que tous les participants sont sincères. Je pourrais
même les trouver sympathiques. Mais je peux comprendre que tout le monde ne
partage pas cette « participation affective » qui orienterait
l’interprétation de ce protocole. La description objective est celle sur
laquelle on peut discuter sans être renvoyé chacun à notre propre identité.
C’est sûrement plus difficile pour toi qui a eu l’occasion de côtoyer toutes
ces personnes. Mais est-ce que ta subjectivité n’est pas aussi une source
d’aveuglement ?
9)
Caractère extraordinaire de l’acquisition
d’information
Tu
listes plusieurs de mes remarques méthodologiques auxquelles tu ne trouves rien
à dire, sinon qu’elle passerait à côté de l’aspect le plus extraordinaire de
l’expérience : la façon dont Nicolas Fraisse a spontanément développé
plusieurs techniques pour acquérir des informations. J’admets avoir bien
apprécié les textes qui se présentent comme des devinettes et qui ont un effet
plaisant une fois la solution dévoilée. Toutefois, je récuse le caractère
extraordinaire de la chose. On pourrait la comparer à énormément de cas
documentés dans lesquels un sujet passe par la transe pour tenter d’acquérir
ces informations. N’est-ce pas la base de la médiumnité ? N’a-t-on pas
relevé, depuis le Victor Race du Marquis de Puységur, que le sujet en transe
fait alors montre de ressources intellectuelles inhabituelles ? Il faut
lire Myers, Osty, Richet, Sudre, etc. qui ont largement fait le tour de la
question et ont proposé un modèle théorique d’inspiration psychologique qui, à
mon sens, explique très bien ce phénomène sans faire appel à des entités
surnaturelles (chapitres 5, 7, 8 de mon livre).
Dans
mon livre (chapitre 8), j’ai été confronté à un cas similaire : celui de
Pascal Forthuny. Ses divinations se présentent comme des énigmes, avec des jeux
de mots, une grande finesse d’esprit, de l’humour, de la théâtralité… Processus
remarquable, mais qu’il l’était peut-être moins chez lui du fait de sa qualité
d’hommes de lettres. Néanmoins, la critique que les parapsychologues ont été
amenés à faire (et que j’ai reprise) est que de telles productions peuvent être
tout à fait artificielles, c’est-à-dire simulées pour distraire l’audience, si
le sujet a un moyen conventionnel de connaître la cible. Je reprends l’exemple
des élèves de Marie Curie qui se présentent face au voyant : il suffit que
Forthuny ait identifié l’un de ces élèves pour qu’il scénarise sa réponse
passant par l’association des mots « Cardinal » et
« Curie ».
En
somme, tout l’aspect qualitatif des productions en transe est secondaire par
rapport à l’analyse objective du protocole puisque ces transes créatrices
peuvent être simulées. Je suis donc en complet désaccord avec toi qui voit là
l’essentiel et qui ramène mon analyse méthodologique au détournement
d’attention.
10)
Ta
conclusion
Je
n’ai pas bien saisi comment tu passais de mon analyse de la méthodologie à des
considérations théoriques sur ce que sont censés nous apprendre les phénomènes dits
paranormaux. J’ai des raisons de ne pas faire ce saut. On comprend que tu défends
une spiritualité laïque qui trouve dans une lecture non-technique des
parasciences un moyen d’affermir sa foi. Pourrais-tu m’expliquer ce qui l’en
distingue du New Age ?
Comparer
ton approche à celles de Dean Radin ou Russel Targ est hors de propos, ou plutôt, c’est
bien là le vrai mal français. On en arrive à connaître de ces chercheurs que la
version lyophilisée et tronquée que les médias veulent bien laisser passer,
médias avec lesquels tu collabores fréquemment. Si ces deux chercheurs ont
communiqué leurs propres interprétations des données de la parapsychologie, ils
sont aussi capables de faire la part des choses et de regarder froidement un
protocole, ses défauts, ses améliorations possibles. Ou du moins ils acceptent
de faire partie d’une communauté de pairs qui pratique le scepticisme organisé.
Mais ces échanges entre « spécialistes », comme tu dis, passionnent
moins, bref, se vendent moins.
Je
suis conscient des questionnements métaphysiques ou spirituelles associés à ces
recherches et de la possibilité de les aborder rationnellement. Les
parapsychologues le font en articulation avec la méthode scientifique, dans une
sorte de « métaphysique expérimentale ». Ils débattent par exemple de
la possibilité de la survie de quelque chose à la mort physique à partir de
données empiriques. Ils en arrivent à des débats extrêmement pointus sur la
qualité des preuves, avec des analyses minutieuses des protocoles, etc. (par
exemple, Storm & Thalbourne, 2006). On ne se cache pas derrière le petit
doigt ou l’arbre de la raison en faisant un travail critique de cette
expérience de clairvoyance, tout au contraire. Ta diatribe, louée par tes
supporters, penche malheureusement du côté d’une approche de la spiritualité
par la spiritualité, et non par le biais d’une démarche scientifique. Je
comprends mieux pourquoi nos chemins divergent.
Références
Kaptchuck, T.J. (1998). Intentional ignorance: a history of blind
assessment and placebo controls in medicine. Bulletin of History of Medicine, 72(3), 389-433.
Storm,
L., & Thalbourne, M.A. (2006, Eds.). The survival of human
consciousness: Essays on the possibility of life after death. Jefferson,
NC: McFarland.
Storm,
L., Tressoldi, P.E., Di Risio, L. (2010). Meta-analysis of free-response
studies, 1992-2008: assessing the noise reduction model in parapsychology. Psychological Bulletin, 136(4), 471-485.