mercredi 22 novembre 2017

« La guérison, ça s’apprend » : rapports au savoir dans le champ clinique
Intervention lors du 2e Congrès international de la Méthode Coué, Nancy, vendredi 10 novembre 2017.



Ne se proclamant pas guérisseur, mais professeur en guérison, Coué a brouillé les lignes qui séparaient la médecine savante, d’un côté, et le charlatanisme, de l’autre (Guillemain, 2010). Car le savoir clinique, comme toutes les formes scientifiques de savoir (Gieryn, 1999), se construit à la fois par une accumulation de lois et grâce à des mécanismes de démarcation entre savoirs orthodoxes et hétérodoxes. En livrant à tous les publics un savoir vulgarisé pour « aller mieux » (Demailly & Garnoussi, 2016), Coué a transgressé les frontières conventionnelles et interrogé les rapports au savoir dans le champ clinique. « Vaut-il mieux guérir et ne pas savoir, ou savoir et ne pas guérir », questionne le sociologue Bertrand Méheust (2008). Paradoxe qui se retrouve également dans l’expression : « guérir pour de mauvaises raisons » (Nathan et Stengers, 2012 ; Evrard, 2017). Apprendre directement aux patients à s’auto-guérir résonne étrangement avec d’autres problématiques contemporaines du champ clinique : place du savoir des patients (Jouet et al., 2011), efficacité des placebos non-dissimulés (Merchant, 2017), et développement du pluralisme thérapeutique en santé mentale (Kessler-Bilthauer & Evrard, 2018). 

Références : 

Demailly, L., & Garnoussi, N. (2016, dir.). Aller mieux. Approches sociologiques. Lille : PU du Septentrion.
Evrard, R. (2017), « Guérir pour de mauvaises raisons ? La clinique par des chemins de traverse », Ethnopharmacologia, n°57, pp. 31-40.
Gieryn, T. (1999). Cultural Boundaries of Science: Credibility on the Line. Chicago, Il : University of Chicago Press.
Guillemain, H. (2010). La méthode Coué : Histoire d’une pratique de guérison au XXe siècle. Paris : Seuil.
Jouet, E., Flora, L.,  Las Vergnas, 0. (2010). « Construction et Reconnaissance des savoirs expérientiels des patients ». Note de synthèse du N°, Pratique de formation : Analyses, N°58/59, Saint Denis, Université Paris 8, pp. 13-94.
Kessler-Bilthauer, D., & Evrard, R. (2018, dir.). Sur le divan des guérisseurs. Quelles places pour les dispositifs alternatifs en santé mentale ? Paris : Archives contemporaines.
Méheust, B. (2008), « Démonothérapies traditionnelles et thérapies modernes », in Collot, E. (dir.), Hypnose et pensée magique, Paris, Imago, pp. 41-50.
Merchant, J. (2017). Se guérir : quand l’esprit soigne le corps. Paris : Flammarion.
Nathan, T., Stengers, I. (2012), Médecins et sorciers (3e édition), Paris, Les empêcheurs de penser en rond / La Découverte.

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