mercredi 11 mars 2015

Plan de l'ouvrage

Chacun de nos chapitres se concentre autour d’un protagoniste qui nous accompagnera dans des moments de l’histoire de la parapsychologie en France. Autour d’eux seront dressés une galerie de portraits et des encadrés spécifiques sur des aspects particuliers – événements coïncidents, histoires parallèles, ou parenthèses épistémologiques.

Choisir dix hommes vient malheureusement entériner un biais sexiste, mais il ne sera pas manqué de rappeler ces femmes – voyantes, médiums ou… chercheuses ! – qui ont fait l’histoire de la parapsychologie française. Il a fallu procéder à des choix – aux lecteurs de décider s’ils sont judicieux. Nos personnages sont, dans l’ordre des chapitres : Agénor de Gasparin, Timothée Puel, Pierre Janet, Charles Richet, Pierre Curie, René Sudre, Eugène Osty, René Warcollier, François
Favre et Nicolas Maillard. En voici une brève présentation :




  • Le comte Agénor de Gasparin (1810-1871) fut écrivain, théologien protestant et homme politique. Alors qu’il était établi en Suisse, il fut confronté – comme Hugo en exil à Jersey – à la vogue spirite déferlant des Etats-Unis. Son livre Des tables tournantes, du Surnaturel en général et des esprits (1854) marqua un tournant intellectuel avec une réelle tentative pour étudier les phénomènes assimilés au spiritisme sous un angle scientifique, sans succomber aux explications à base d’entités.

  • Timothée Puel (1812-1890) était à la fois médecin et botaniste, et réalisa une thèse sur la catalepsie à la croisée de ses intérêts ! Mais, sur le tard, il sera confronté aux phénomènes spirites et tentera d’en établir la méthodologie d’étude. Sa Revue de psychologie expérimentale est une première du genre, à une époque où le terme « psychologie » est encore revendiqué par des groupes spirites qui en font, littéralement, « la science de l’âme ».  La Revue de Puel aura une vie brève, de 1874 à 1876, mais elle aura une importance considérable en introduisant en France les premiers travaux des sciences psychiques anglo-saxonnes.
  • Pierre Janet (1859-1947) devint un psychologue de grande renommée. Mais alors qu’il n’était encore qu’un simple professeur de philosophie au Havre, il entreprit en 1885 des expériences « d’hypnotisme à distance » qui firent grand bruit. C’est sur la base de ces études qu’il bâtit un édifice théorique faisant la part belle à des notions nouvelles : subconscient, dissociation, automatisme psychologique, etc. Son parcours fut néanmoins particulier puisqu’il renia rapidement ses découvertes parapsychologiques pour incarner un rempart contre les sciences psychiques, divisant peu à peu la psychologie en établissant une orthodoxie s’opposant à une hétérodoxie. A plus d’un titre, il est exemplaire de la transition effectuée par la psychologie naissante en France.
  • Le professeur de médecine Charles Richet (1850-1935) a été un proche collègue de Janet, l’ayant même précédé sur le terrain des sciences psychiques. Mais leurs chemins vont progressivement diverger : l’ironie de l’histoire voudra qu’ils dirigent ensemble dès 1900 l’Institut Général Psychologique, Richet le tirant vers le « psychique » et Janet vers le « psychologique ». Incontournable dans notre historique, il nous accompagnera tout du long puisque sa carrière dans ce domaine s’étend de 1875 à 1935. Quelques événements-clefs dans son parcours – en particulier le scandale associé à ses expérimentations à la villa Carmen – seront examinés en détail.
  • Pierre Curie (1859-1906) n’est certes pas un psychologue, mais la place prise par le physicien et prix Nobel lors de l’étude de la médium Eusapia Palladino à l’Institut Général Psychologique sont révélatrices de l’indécision épistémologique dans laquelle baignait la psychologie. D’un côté, l’esprit était ramené à des phénomènes psychologiques trouvant leurs sources dans le cerveau ; de l’autre, il devenait une force psychique capable d’imprimer sa puissance dans le monde matériel. Est-ce encore de la psychologie ? Doit-on parler comme D’Arsonval, alors président de cet institut, de biopsychophysique ? La brève incursion de Curie, interrompue par son décès accidentel, permet d’examiner plusieurs des interrogations suscitées par ces études des médiums.
  • René Sudre (1880-1968) est un journaliste scientifique, mêlant sciences et lettres dans sa profession comme dans son œuvre métapsychique. Il pénétra ce domaine obscur à 40 ans, et y joua rapidement un grand rôle au côté des fondateurs de l’Institut Métapsychique International (IMI). Pourfendeur du spiritisme dans la lignée d’un Janet, il fut également explorateur des implications de la métapsychique au-delà de la psychologie, à la manière d’un Curie. Ecarté en 1926 de la fondation dont il avait été la meilleure plume, il poursuivra une longue carrière de chercheur indépendant et inspirera des générations de chercheurs, en particulier à l’étranger.
  • Le médecin Eugène Osty (1874-1938) fut le deuxième directeur de l’IMI à partir de 1925, et il marqua son passage en ces lieux par une approche complète et progressiste de la métapsychique. Son humanité lui avait permis de sympathiser très tôt avec tous les « sujets » ou « praticiens du paranormal » que d’autres ont tendance à réduire à des monstres de foire. Il pénétra profondément dans leur intimité psychique, à la recherche des mécanismes de la « connaissance supranormale ». Sans aucune aura académique, il fut un travailleur de l’ombre qui dut faire face à une série de malheurs précipitant le déclin de la métapsychique selon Richet.
  • René Warcollier (1881-1962) est un ingénieur-chimiste, élève du prix Nobel Henri Moissan. Il parvint à faire carrière dans l’industrie des perles artificielles, ce qui lui laissa beaucoup de temps à consacrer à ses loisirs intellectuels, et en particulier à l’étude de la télépathie. Chaque samedi, il réunissait un petit groupe d’amateurs avec lequel il testait toutes les facettes de ce phénomène, dont des expériences à longue distance avec des parapsychologues européens et américains. Il sera reconnu internationalement dans ce tout petit domaine, ouvrant la voie à ce qui deviendra le « remote viewing » dans les tentatives d’application militaire de la parapsychologie durant la Guerre froide. A son tour président de l’IMI après la Seconde Guerre mondiale, il fut une plaque tournante pour de nombreux courants croisant celui de la métapsychique, dont la psychanalyse, l’occultisme savant et le réalisme fantastique.
  • François Favre (1942-) est le seul chercheur encore vivant (?) dont nous allons suivre la trace. Il se destinait à la psychiatrie quand survint mai 1968 dont l’un des effets – habituellement complètement ignoré – est d’avoir incité les étudiants à militer pour obtenir des cours de parapsychologie ! Cela donna lieu à la création du Groupe d’étude et de recherche en parapsychologie au sein de l’Université de Paris X – Nanterre, où Favre fut rejoint par une nouvelle génération d’intellectuels mêlant leurs disciplines à l’étude transdisciplinaire du « psi ». Ce groupe et le contexte dans lequel il évolua marquent un chapitre très contemporain des sciences psychiques en France.
  • Nous finirons en regardant par dessus l’épaule du journaliste Nicolas Maillard (1969-2000) qui avait participé à des magazines et des émissions de divertissement sur le paranormal qu’il abreuvait de faits plus ou moins vérifiés. Puis il découvrit que l’IMI existait toujours, mais dans un état de grande précarité. Il tomba amoureux de la métapsychique et consacra d’importants efforts physiques et intellectuels pour remettre la fondation dans le droit chemin. Puis il entreprit d’écrire une ambitieuse histoire de la parapsychologie, extrêmement partisane, qui sera publiée de façon posthume après avoir été retravaillée par un autre journaliste, Grégory Gutierez. La maladie l’emporta très vite. Il reste néanmoins un témoin clef de cette époque, un acteur du passage de relais entre le passé et l’avenir.

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