Quelques conférences historiques passées

Voici les résumés et/ou abstracts de quelques conférences historiques données ces dernières années. Ces travaux sont généralement repris dans des articles ou des chapitres du livre La légende de l'esprit : enquête sur 150 ans de parapsychologie en France.

La géopolitique du psychisme : histoire des frontières entre psychologie et parapsychologie en France

Les tables tournantes, la télépathie et la suggestion mentale figuraient parmi les premiers objets d’études des psychologues (Plas, 2000). Les études des somnambules, des médiums, des chiromanciens ou encore des possédés fécondèrent les premières théories psychologiques de l’esprit, et en particulier de ses aspects non-conscients. Si bien qu’en France, l’institutionnalisation de la parapsychologie fut d’abord indiscernable de celle de la psychologie. Mais des frontières furent progressivement mises en place au cours du XXe siècle jusqu’à ce que soit distinguée une métapsychique marginale, considérée d’abord comme une hétérodoxie psychologique puis comme une pseudo-science. 
Dans cette conférence, nous proposons de passer en revue certaines des grandes étapes de ce que l’historien Bertrand Méheust (1999) a appelé « la géopolitique du psychisme ». En particulier, nous nous intéressons aux rôles joués par certains scientifiques d’élite, dont les prix Nobel Charles Richet et Pierre Curie, à l’occasion de la parution du Bulletin métapsychique n°17 sur le thème « Prix Nobel et la parapsychologie ». Cette conférence s’appuie sur des recherches historiques dans des archives spécialisées et auprès de descendants ou contemporains de chercheurs, qui feront la matière d’un livre à paraître en 2015 : La légende de l’esprit : enquête sur 150 ans de parapsychologie.

(Institut métapsychique international, 14 novembre 2014)

Le garde-frontière de la psychologie - Henri Piéron et la métapsychie

La contribution d’Henri Piéron à l’édification de la psychologie scientifique et de l’orientation professionnelle 
Colloque international en hommage à Henri Piéron (1881-1964) à l’occasion du cinquantenaire de sa disparition (INETOP - CNAM, 27 novembre 2014)

Résumé 

La métapsychie ou métapsychique est la version française de ce qui est couramment appelée aujourd’hui la parapsychologie. Le terme a été proposé en 1905 par le physiologiste Charles Richet pour désigner : « La science qui a pour objet des phénomènes, mécaniques ou psychologiques, dus à des forces qui semblent intelligentes ou à des puissances inconnues latentes dans l’intelligence humaine ».  Comme l’a montré l’historienne Régine Plas (2000), ces phénomènes dits « psychiques » font partie des premiers objets de la psychologie. A l’instar de nombre de ses collègues, Piéron effectue au début de sa carrière des recherches sur les « phénomènes télépathiques », en l’occurrence des expériences de communications à distance avec Nicolas Vaschide, expliquées par un « parallélisme intellectuel » (Vaschide & Piéron, 1902 ; Le Maléfan, 2008). Il tiendra à partir de 1905 une rubrique « Métapsychie » dans L’Année psychologique, exerçant son esprit critique pour repousser – et parfois pour encourager – ces recherches. En toile de fond de cette rubrique se pose la question de la place de la métapsychie dans le champ de la psychologie, que Piéron contribue alors à institutionnaliser et professionnaliser. L’écart qui se creuse implique, de la part des psychologues, de bien délimiter la frontière entre les deux, rôle qu’occupera particulièrement Piéron. En 1922, il participera ainsi à des commissions analysant, dans son laboratoire de la Sorbonne, les phénomènes physiques produits par des médiums (Lapicque, Dumas, Piéron, Laugier, 1922 ; Parot, 1994). Piéron fait preuve d’ouverture face à ce qui se présente comme de nouveaux exemples d’objectivation physiologique de l’activité psychique, mais il ne constatera rien de probant et suspectera des fraudes. Ses interventions ont participé à l’émancipation/évacuation de la métapsychique, ce qui profita en retour à la reconnaissance accrue de la scientificité de la psychologie. 

Abstract 

The metapsychy or metapsychics is the French version of what we now called parapsychology. This term was coined in 1905 by the physiologist Charles Richet to refer to “the science of mechanical or psychological phenomena that are due to apparently intelligent forces or unknown powers latent in human intelligence”. As shown historian Régine Plas (2000), these so-called “psychic” phenomena are among the first objects of psychology. Like many of his colleagues, Piéron has done, at the start of his career, some research on “telepathic phenomena”, namely some experiments on remote communications with Nicolas Vaschide, explained by an “intellectual parallelism” (Vaschide & Piéron, 1902; Le Maléfan, 2008). From 1905, he held a section entitled “Métapsychie” in L’Année psychologique, exercising his critical skills to repel – and sometimes encourage – this field of research. In the background of this section is the issue of the place of the metapsychy within the field of psychology that Piéron contributed to institutionalize and professionalize. The growing gap implies, from psychologists, a clear demarcation of the boundary between the two, a role that Piéron will particularly help. In 1922, he participated to a committee for the study, in his Sorbonne’s laboratory, of the physical phenomena produced by mediums (Lapicque, Dumas, Piéron, Laugier, 1922; Parot, 1994). Piéron showed openness to what is presented as new examples of physiological objectification of psychic activity, but he saw nothing convincing and suspected frauds. His interventions participated to the emancipation/evacuation of metapsychics, what advantage back to increasing recognition of psychology as a science. 

Mots-clefs : Métapsychie – Année psychologique – Institutionnalisation – Frontières de la psychologie – Charles Richet 
Key-words: Metapsychics – Année psychologique – Institutionalization – Frontiers of psychology – Charles Richet 

Bibliographie 
Lapicque, L., Dumas, G., Piéron, H., Laugier, H. (1922). Rapport sur des expériences de contrôle relatives aux phénomènes ectoplasmiques. L’Année Psychologique, 604-611. 
Le Maléfan, P. (2008). Les hallucinations télépathiques dans la psychologie française naissante : étude d’un inconscient oublié. Bulletin de Psychologie, n°495, 279-293. 
Parot, F. (1994). Le bannissement des Esprits. Naissance d’une frontière institutionnelle entre spiritisme et psychologie, Revue de synthèse, 3-4, 416-443. 
Plas, R. (2000). Naissance d’une science humaine : la psychologie. Les psychologues et le merveilleux psychique. Rennes : PUR. 
Vaschide, N., Piéron, H. (1902). Contribution expérimentale à l’étude des phénomènes télépathiques. Bulletin de l’Institut général Psychologique, 3, 116-139. 

"La boite à outils des chasseurs de fantômes". Bref inventaire illustré des inventions techniques de la parapsychologie.

Avec Philippe Baudouin 
L'intérêt d'une certaine frange de la communauté scientifique pour la question de l'occulte naît en 1848 avec le récit des phénomènes spirites observés chez les sœurs Fox. Les tables tournantes et autres expériences paranormales qui envahissent les États-Unis et l'Europe à partir de la seconde moitié du XIXe siècle poussent alors les savants à considérer ces faits inexpliqués comme des objets dignes de leurs expérimentations. Parallèlement aux nombreuses inventions qui voient le jour au tournant du XXe siècle, un certain nombre de chercheurs vont tenter de concevoir des outils et des machines afin d'analyser dans leurs laboratoires ces phénomènes. Du télégraphe spirite aux applications parapsychologiques pour smartphone, l'inventaire de ces objets techniques oubliés ou méconnus semble ainsi délimiter une possible histoire technique de la parapsychologie qu'il s'agira de retracer brièvement.

Organisation: En partenariat avec le Labex Arts-H2H, l’Université Paris 8, l’École nationale supérieure d’arts Paris Cergy, l’École nationale supérieure des arts décoratifs et les Archives nationales. (16 mai 2014)

The orthodoxization of psychology in France at the turn of the 20th century

“Okkultismus im Gehäuse. Institutionalization of research on the paranormal in the 20th century in an international perspective” 

Abstract: 
Turning tables, telepathy and mental suggestion were among the first objects of scientific psychology (Plas, 2000). Further, the study of somnambulists, mediums, palmists or possessed people fecundated the first psychological theories of mind, especially of its non-conscious aspects. Hence, in France the institutionalization of parapsychology was initially indistinguishable from that of psychology. But in the course of the 20th century internal boundaries were progressively introduced, up to the point when metapsychics was established, which was first seen as a psychological heterodoxy, then as a pseudo-science. 
The steps of this process inform us about the relationship between the “paranormal” and “structure” (Hansen, 2001) as well as boundary work (Gieryn, 1999). In 1900, the Fourth International Congress of Psychology in Paris mixed “psychists” with spiritists, occultists and theosophists, something that had never happened before. Some participants took this opportunity to request a hardening of psychology’s boundaries. 
However, at the same congress the “father of French psychology” Theodule Ribot announced the establishment of the Institut psychique international (later Institut général psychologique, IGP), an institute specifically dedicated to these “related matters” of psychology. This delimitation circumscribed an issue that applied to psychology as a whole. At first the IGP received a lot of support, but was quickly turned away from its initial missions (Brower, 2008). On one hand, the IGP was open to lay public and scholars of all disciplines and from all countries, focusing on an “opened mind” applying in all fields and even in the “unknown”. On the other hand, a subgroup limited to 40 members refusing foreigners and “psychists” worked on the idea of an “enclosed mind”, which focused on cognitive and sensory human functions. Led by Pierre Janet, this subgroup, which would later become the Société française de psychologie, trained the generation of professionals who are today recognized as the “modern psychologists”. They advanced to official positions, developing an autonomous and professionalized psychology that wrote its own historiography, in which the IGP was reduced to the heterodoxy of its study of paranormal phenomena. 
To that time, the failure of the IGP induced the eventual Nobel Prize winner Charles Richet to place the future of psychology in metapsychics, a name he coined for a discipline beyond the boundaries of modern psychology. The same failure also led spiritist Jean Meyer to finance a private foundation – rather than a special psychological chair – to develop the study of metapsychics, on which he had high hopes. The Institut métapsychique international (IMI) embodied the heterodoxy which psychology needed to firmly establish its legitimacy (Lachapelle, 2011). Since 1920, a group of psychologists and physiologists led by Henri Piéron multiplied the boundary works to show the superiority of scientific psychology by rejecting metapsychists’ claims. This group became the Union rationaliste in 1930, which still serves as a border guard of science. 
From this analysis, we will distinguish six functions of heterodoxy that show how it contributed to the development of psychology for over a century: functions of 1) scarecrow, 2) control group, 3) sweep vehicle, 4) subversion, 5) touchstone, and 6) pathfinder. 

Brower, M.B. (2010). Unruly spirits: The science of psychic phenomena in modern France. Urbana: University of Illinois Press. 
Gieryn, T. (1999). Cultural Boundaries in Science: Credibility on the Line. Chicago, Il : University of Chicago Press. 
Hansen, G.P.  (2001).  The Trickster and the Paranormal.  Philadelphia: Xlibris. 
Lachapelle, S. (2011). Investigating the Supernatural: From Spiritism and Occultism to Psychical Research and Metapsychics in France, 1853-1931. The Johns Hopkins University Press. 
Plas, R. (2000). Naissance d’une science humaine : la psychologie. Les psychologues et le merveilleux psychique. Rennes : PUR.

"We want parapsychology courses!": heterodoxy in French psychological departments in the context of May 1968 and fantastic realism

Contrary to what happened - even for a short time - in numerous European countries, French universities never hosted a chair or a research unit in parapsychology. Despite the huge list of French scholars who showed interest in "metapsychics" (as coined it the Nobelist Charles Richet in 1905), this discipline remained at the margins of science, in private institutions or movements marked with heterodoxy. After the WWII, the metapsychics was crushed between the American statistical parapsychology and the "fantastic realism", a movement of reappropriation of the paranormal in the line of the surrealism. This effervescence of the imagination prepared to the most important social movement in the history of twentieth-century in France: May 1968. 
In the context of this revolution, scientific orthodoxy and heterodoxy clashed again. The Group for the Study and Research of Parapsychology (GERP) (Groupes d'Etudes et de Recherche en Parapsychologie) was originally composed of psychology undergraduates who, after May 1968, tried to bring into their curriculum a course of parapsychology at the University of Paris X Nanterre. Their failure transformed the group into an association of young researchers with much solidarity, criticizing foreign models and developing a theory-oriented parapsychological cross-disciplinary research in the 1970s and 1980s. What can we learn from this intellectual adventure?

Organisation: Historisches Seminar, Lehrstuhl für Neuere und Neueste Geschichte, Albert-Ludwigs-Universität, Freiburg/Br. in Germany (21 janvier 2014)

Extraordinaire et psychopathologie chez Janet

(Journée d'étude que j'ai coorganisée avec Isabelle Saillot, du Réseau Janet)

En novembre 1885, la première allocution du jeune philosophe Pierre Janet, lue par son oncle le philosophe spiritualiste Paul Janet, relate d’étonnantes expérimentations d’hypnotisme à distance sur la somnambule normande Léonie Le Boulanger. Comment sa carrière a-t-elle pu débuter sur des observations aussi extraordinaires ? Or, la Société de Psychologie Physiologique accueille cette étude innovante très favorablement. Théodule Ribot la reproduit illico dans sa Revue de philosophie de la France et de l’Etranger. Même s’il fait l’objet de quelques critiques, Janet n’est pas rangé dans le placard des parapsychologues. Et pour cause : il n’y a pas encore de para-psychologie, la psychologie naissante cheminant dans une épistémologie extensible où dialoguent facultés de l’intelligence, psychopathologie, héritage magnétique recalibré en hypnotisme et lucidité paranormale. 
Ce temps de l’extraordinaire prendra rapidement fin : le 25 décembre 1886, Janet parvient une dernière fois à endormir Léonie à distance lors d’un test improvisé, puis il la confie à son collègue Charles Richet qui poursuivra sur la voie qu’il baptisera « métapsychique ». La carrière de Janet fait un virage serré : les expérimentations du Havre disparaitront de sa thèse et seront constamment minimisées, et jamais plus il n’étudiera de front l’extraordinaire. C’est désormais en psychopathologue - et exclusivement ainsi, comme le lui reprocheront ses contemporains - que Janet traitera les « cas » de somnambulisme, médiumnité, mysticisme, possession et autres formes de « névroses ». Janet, incarnant ce qui sera le destin de la psychologie, parviendra à se démarquer de l’hétérodoxie métapsychique en produisant un savoir fondamental sur les activités psychiques échappant à la conscience et leurs manifestations plus ou moins morbides. Les « névroses ordinaires » trouvent là leurs racines. Mais, en revenant à ce moment de bascule dans la théorie et la pratique de Janet, nous pouvons également dégager des « névroses extraordinaires » qui mêlent les mécanismes de la névrose avec des phénomènes aujourd’hui assimilés à la psychose : les hallucinations et les délires. Face à la persistance de cette clinique des expériences interprétées comme paranormales (ou « expériences exceptionnelles »), l’héritage de Janet, avec ses intuitions et ses contradictions, se doit d’être réexaminé.

Organisation: Réseau Janet et A-IMI (14 décembre 2013)

Pierre Janet and the enchanted boundary of psychical research

"This paper argues that Pierre Janet’s (1859-1947) contribution to psychical research didn’t stop with the publication of the series of 22 experiments of remote suggestion he conducted at Le Havre. Quite on the contrary, I will show how this field of research has shaped all his work  through three successive stances: the  pioneer, the repented psychologist, and the border-guard. 
As a young professor of philosophy, he contributed significantly to the debate on the role to be given to psychical research in science, by influencing how the French did psychical research: Whereas Charles Richet previously introduced a methodology based on statistical analysis of card guessing, Janet shifted toward a study of gifted subjects. 
As his career took him to highest academic circles, and to the chair of experimental and comparative psychology at the Collège de France (1902), he decided to limit his research agenda to the psychopathology of the “oscillations of mind”. What might explain Janet’s withdrawal? I will argue that, by studying psychological automatism in hysterical subjects, he would conflate abnormal and anomalous, thus attracting criticisms of psychical researchers such as C. Richet, René Sudre, Frederic Myers and Gustave Geley. With growing scepticism, he associated his early work with what he called “the third (psychological) school of hypnotism”, between the ones from Nancy and La Salpêtrière, in which he placed C. Richet, F. Myers, Edmund Gurney, Julian Ochorowicz, etc., while distancing himself from it. 
He agreed, however, in 1899 to co-direct with Richet the Institut Général Psychologique (IGP), which he would steer toward orthodox psychology, while Richet would try to hold the Institut to its original mission of psychical research. The demarcation would be more frank in 1902 with the extraction of the Société Française de Psychologie from a subgroup of the IGP. As I will argue, the boundaries of janetian psychology responded to the agenda of the IGP to have a transdisciplinary and objective study of phenomena such as those produced by mediums like Eusapia Palladino. 
Finally, I will argue that even if Janet assumed the role of a frontier-guard, by rejecting for example Richet’s Traité de métapsychique, and by pathologizing supernatural beliefs and mysticism in other publications. Nevertheless, several psychical researchers still relied on his work to explore the psychology of the paranormal without falling into reductionist psychopathology, and paving the way for anomalistic psychology and contemporary studies of altered states of consciousness."

Organisation: WGFP (26 octobre 2013)

Pierre Janet and psychical research: the pioneer, the repentant, and the border-guard

This paper argues that Pierre Janet's (1859-1947) contribution to psychical research didn't stop with the publication of the series of 22 experiments of remote suggestion he conducted at Le Havre. Quite on the contrary, I will show how this field of research has shaped all his work through three successive stances: the pioneer, the repented psychologist, and the border-guard. 
As a young professor of philosophy, he contributed significantly to the debate on the role to be given to psychical research in science, by influencing how the French did psychical research: Whereas Charles Richet previously introduced a methodology based on statistical analysis of card guessing, Janet shifted toward a study of gifted subjects. 
As his career took him to highest academic circles, and to the chair of experimental and comparative psychology at the Collège de France (1902), he decided to limit his research agenda to the psychopathology of the “oscillations of mind”. What might explain Janet’s withdrawal? Apparently embarrassed by his reputation as a psychical researcher, Janet tried to make amends with the academic thought of his time. I will argue that, by studying psychological automatism in hysterical subjects, he would conflate abnormal and anomalous, thus attracting criticisms of psychical researchers. 
He agreed, however, in 1899 to co-direct with Richet the Institut Général Psychologique (IGP), which he would steer toward orthodox psychology, while Richet would try to hold the Institut to its original mission of psychical research. The demarcation would be more frank in 1902 with the extraction of the Société Française de Psychologie from a subgroup of the IGP. Finally, Janet assumed the role of a frontier-guard, by rejecting for example Richet’s Traité de métapsychique, and by pathologizing supernatural beliefs and mysticism in other publications. Nevertheless, several psychical researchers still relied on his work to explore the psychology of the paranormal without falling into reductionist psychopathology, and paving the way for anomalistic psychology and contemporary studies of altered states of consciousness.

Organization: Parapsychological Association Annual Convention (11 août 2013)

Pierre Janet, Pierre Curie et la frontière enchantée des sciences psychiques

Dès 1885, le philosophe Pierre Janet (1859-1947), futur médecin et psychologue renommé, se fait connaître de ses collègues par ses expériences d’hypnose à distance au Havre sur la somnambule Léonie. Malgré la réception très positive de ses travaux, Janet décide à la fin de l’année 1886 de prendre ses distances avec les "sciences psychiques", future "métapsychique / parapsychologie". Il continuera pourtant à s’impliquer dans ce champ, d’abord en organisant son "repenti" et plus tard en prenant un rôle de "garde-frontière" pour la psychologie académique. 
Trajectoire inverse, Pierre Curie (1859-1906) était déjà un physicien reconnu, lauréat du prix Nobel en 1903, lorsqu’il pénétra dans la difficile étude des phénomènes produits par la médium Eusapia Palladino. Il prenait part au prestigieux "Groupe d’étude des phénomènes psychiques", branche de l’Institut Général Psychologique, alors dirigé par un Janet qui désapprouvait cette voie de recherche. 
En croisant ces deux parcours contemporains, cette conférence amènera à s’interroger sur le rapport des scientifiques du tournant du XXe siècle vis-à-vis des "sciences psychiques", domaine d’exploration où le rationnel et l’irrationnel s’entrechoquent. Quels furent les enjeux et les résultats de leurs études ? Que se passe-t-il quand un psychologue et un physicien franchissent la "frontière enchantée" ?

Organisation: Association des Amis de l'Institut Métapsychique International (11 janvier 2013)

Pierre Janet and the enchanted boundary of psychical research

This paper argues that Pierre Janet's (1859-1947) contribution to psychical research didn't stop with the publication of the series of 22 experiments of remote suggestion he conducted at Le Havre. Quite on the contrary, I will show how this field of research has shaped all his work. As a young professor of philosophy, he contributed significantly to the debate on the role to be given to psychical research in science, by influencing how the French did psychical research: Whereas Charles Richet previously introduced a methodology based on statistical analysis of card guessing, Janet shifted toward a study of gifted subjects. 
As his career took him to highest academic circles, and to the chair of experimental and comparative psychology at the Collège de France (1902), he decided to limit his research agenda to the psychopathology of the “oscillations of mind”. What might explain Janet’s withdrawal? I will argue that, by studying psychological automatism in hysterical subjects, he would conflate abnormal and anomalous, thus attracting criticisms of psychical researchers such as C. Richet, René Sudre, Frederic Myers and Gustave Geley. With  growing scepticism, he associated his early work with what he called “the third (psychological) school of hypnotism”, between the ones from Nancy and La Salpêtrière, in which he placed C. Richet, F. Myers, Edmund Gurney, Julian Ochorowicz, etc., while distancing himself from it. He agreed,  however, in 1899 to co-direct with Richet the Institut Général Psychologique (IGP), which he would steer toward orthodox psychology, while Richet would try to hold the Institut to its original mission of psychical research. The demarcation would be more frank in 1902 with the extraction of the Société Française de Psychologie from a subgroup of the IGP. As I will argue, the boundaries of janetian psychology responded to the agenda of the IGP to have a transdisciplinary and objective study of phenomena such a those produced by mediums like Eusapia Palladino. 
Finally, I will argue that even if Janet assumed the role of a frontier-guard, by rejecting for example Richet’s Traité de métapsychique, and by pathologizing supernatural beliefs and mysticism in other publications, several psychical researchers still relied on his work to explore the psychology of spiritism without falling into reductionist psychopathology, and paving the way for anomalistic psychology and contemporary studies of altered states of consciousness.

Organization: PSYCHICAL RESEARCH AND PARAPSYCHOLOGY IN THE HISTORY OF THE SCIENCES AND MEDICINE, UCL Centre for the History of Psychological Disciplines, University College London (25 janvier 2013)

De RW au RV : René Warcollier et le Remote Viewing, une rencontre impossible ?

René Warcollier est l'une des dernières grandes figures de la parapsychologie française (ou métapsychique). Président de l'Institut Métapsychique International (IMI) de 1950 à sa mort en 1962, il est connu dès les années 1920 par son approche originale de la télépathie. Plutôt que de travailler uniquement avec des sujets doués, il crée un groupe avec des personnes peu douées mais motivées qui vont pratiquer la télépathie régulièrement. Lui-même accepte que son propre psychisme joue un rôle actif dans le fonctionnement psychique groupal, à la faveur d'une conception sophistiquée du polypsychisme. Ses méthodes vont inspirer le programme américain de parapsychologie militaire connu sous le nom de Stargate. Warcollier ne prétend pas chercher à faire la preuve de la télépathie, mais à mieux comprendre ses mécanismes pour expliquer ses fluctuations. De sa profession de chimiste, il tire une démarche de décomposition de la télépathie en un ensemble de phénomènes élémentaires à partir desquels un nouveau travail de synthèse est possible : la méta-psychanalyse. Très vite reconnu au niveau international, Warcollier n'arrivera pas véritablement à imposer ses travaux en France où son parcours comme ses travaux restent méconnus.

Organisation: Association des Amis de l'Institut Métapsychique International (10 décembre 2011)

Histoire de l'Institut Métapsychique International (1919-2009) : La métapsychique entre psychologie, psychopathologie et parapsychologie

Je me propose de vous faire parcourir l’histoire de l’Institut Métapsychique International de façon à avoir une vue d’ensemble sur ces 90 dernières années, ce qu’aucun historien n’a encore proposé. J'explorerais succinctement  les controverses, les expériences ou les personnages qui ont fait son  histoire. Fondé en 1919 sous les auspices du prix Nobel Charles Richet,l'IMI fut d'emblée reconnu d'utilité publique pour sa vocation à porter le regard de la science française jusqu'aux marges constitués par les phénomènes apparemment paranormaux. Son histoire, riche de réussites et d'échecs, encouragera assurément la discussion de visions d'avenir pour cette fondation bientôt centenaire.

Organisation : Association des Amis de l'Institut Métapsychique International (11 septembre 2009)

Les années folles de l'Institut Métapsychique International

En France, les sciences du « psychologique » et du « psychique » ont longtemps été mélangées. Plusieurs des premières institutions de la psychologie intègrent des études sur l’hypnotisme, la lucidité, ou d’autres phénomènes en marge. La Société de Psychologie Physiologique, créée en 1885 sous la présidence de Charcot, lança le premier congrès international de psychologie avant de décliner en 1893 suite à la mort de son président. L’Institut Général Psychologique, créé en 1900 initialement sous le nom d’Institut Psychique International, offrit un instant un lieu commun pour les tendances, avant que les études ne soient divisées en sections distinctes. La fondation de l’Institut Métapsychique International (IMI) en 1919 permit enfin qu’une institution consacre toutes ses ressources à l’approche scientifique des phénomènes paranormaux. 

L’IMI naquit à la faveur de la rencontre de deux médecins s’intéressant au spiritisme, Rocco Santoliquido et Gustave Geley. Ils trouvèrent dans le mécénat de Jean Mayer et l’autorité scientifique du prix Nobel Charles Richet l’opportunité de développer leurs expérimentations et leurs réflexions dans un domaine de la métapsychique encore mal organisé. Des appuis politiques obtenus dans l’immédiat après-guerre permirent la reconnaissance d’utilité publique de l’IMI dont l’aura s’étendit rapidement en France et à l’étranger. 

Premier directeur, Gustave Geley se consacra principalement à l’étude des médiums disant produire des phénomènes physiques, dont le plus « élevé » était « l’ectoplasme », c’est-à-dire la matérialisation d’une substance en apparence vivante en dehors du médium. Le scandale médiatique entourant ces phénomènes obligea Geley à régler la « Querelle de l’ectoplasme » aux moyens d’expérimentations de plus en plus complexes et de démonstrations à destination des scientifiques et des personnalités qui « voulaient voir ». Tragiquement, Geley mourut accidentellement en juillet 1924 alors qu’il rapportait des moulages de membres d’ectoplasmes obtenus en Pologne. 

Son successeur, le Dr Eugène Osty, poursuivit ces recherches sur les phénomènes physiques en intégrant des technologies originales comme les rayons infra-rouges. Son programme de recherche s’ouvrait néanmoins davantage aux phénomènes mentaux de la métapsychique : télépathie, clairvoyance, psychométrie et prémonition (ces modes de « connaissance supranormale » étant regroupés sous le terme de métagnomie) ; art médiumnique ; hommes prodigieux ; applications pratiques de ces phénomènes… Le Tout-Paris se pressait à la porte de l’IMI. 

Autour de ces directeurs, l’IMI des années 1920 regroupa de nombreux chercheurs renommés dont les contributions remarquables furent publiées dans la Revue Métapsychique. En 1927, Paris accueillit même le 3ème congrès international de sciences psychiques, signe de sa place névralgique dans la recherche internationale. La confusion entre approche spirituelle et approche scientifique de ces phénomènes avait presque été levée. Un sceptique comme Paul Heuzé, qui avait participé à la campagne de discrédit de l’IMI, reconnaissait finalement la preuve expérimentale de l’authenticité des phénomènes mentaux de la métapsychique. 

Malheureusement, la mort du mécène Meyer en 1931 fit perdre à l’IMI sa source de financement. Tout le fonctionnement de l’Institut en fut irréversiblement altéré. Seuls persistèrent des chercheurs passionnés comme René Warcollier qui approfondirent les études de leurs aînés dans une plus grande discrétion. 

Organisation : Journée Francophone du Congrès de la Parapsychological Association (22 juillet 2010)

The Diva and the Nobelists: When Pierre and Marie Curie studied Eusapia Palladino at the Institut Général Psychologique (1905-1908)

The study of alleged physical phenomena of the medium Eusapia Palladino by the Institut Général Psychologique (IGP) from 1905 to 1908 was an important moment in the career of the "diva of scientists" (Alvarado, 1993; Blondel, 2002). The IGP, which was created in 1900, tried to integrate psychical research into the established sciences of the day, through alliances with French scientific and political elite. IGP’s experiments with Palladino involved conditions that acknowledged idiosyncratic needs of the medium in terms of ecological validity (darkness, cabinet, etc.), but controls were applied through specially designed instruments such as scales, electrical sheaths detecting movements of the legs of the table, and a number of physiological measurements. Over a three-year period, Eusapia gave forty-three sittings at the IGP. This was a large-scale project with a specially equipped laboratory, half-public funding, and a research team composed of recognized intellectual authorities, including six Nobel laureates, many of whom were not suspected of a sympathy for psychical sciences: Ballet, Bergson, Branly, Courtier, Pierre and Marie Curie, d'Arsonval, Duclaux, Langevin, Perrin, Richet, etc. The final detailed report (Courtier, 1908) concluded ambiguously on the authenticity of the observed phenomena due to often imperfect conditions and the exposure of several minor frauds. The report received an award from the French Academy of Sciences in 1913 and inspired later experiments. 
We reconstruct some issues of this study by discussing the previously unexplored involvement of Pierre and Marie Curie. Pierre Curie was one of the most diligent scientists at the eight sessions in which he seemed to have participated in 1905 and 1906. Yet he had to build his opinion on a limited number of observations. He began to apply direct controls of the medium's arms and legs but was quite doubtful of this method. He quickly developed ingenious devices to try to capture the "breath" apparently emanating from Eusapia's head and catch the "psychical force" in daylight. He observed a wide range of physical phenomena under controls he sometimes found excellent. He was especially impressed by the movement of a pedestal table whose trajectory seemed to follow intelligent authorship. Before he died accidentally, he had entrusted his desire to focus on those studies to successfully explain the mechanisms behind these phenomena. He found this study not only scientifically legitimate, but of utmost importance. 
Marie Curie was less enthusiastic about Eusapia's study but continued to support foreign psychical research by becoming honorary member of several societies. She also wrote that she found some sittings with her very convincing and that the question of physical mediumship was of the highest interest (letter to Countess Elisabeth Greffulhe, April 16, 1906, in: Blanc, 2009, p. 645) but she seems to have remained skeptical (Heuzé, 1921). 
Pierre and Marie Curie's approach is based on an epistemology that encouraged experimental exploration of anomalous interactions between the physical, the biological and the mental, which could dramatically change the face of the science of their time.

Organisation: WGFP (24 octobre 2010)